Tania, cheffe d’équipe, présente un nouveau processus à suivre. Claire repère une amélioration possible, mais préfère se taire. Mathieu se sent froissé de ne pas avoir été consulté alors que c’est son domaine d’expertise. Lucas s’interroge sur l’impact pour les autres équipes, mais affiche un enthousiasme de façade. Denise estime que le calendrier est irréaliste et ose demander si la date est vraiment non négociable. Tania confirme que le délai est prioritaire.

Qu’est-ce qui manque dans cette équipe ? La sécurité psychologique.

Imaginez un instant : Claire partage ses idées, Mathieu apporte son expertise, Lucas pose les bonnes questions, et Denise propose une critique constructive du plan. Résultat : un projet beaucoup plus solide.

Comment Tania pourrait-elle créer un climat de sécurité psychologique dans son équipe ?
Voyons d’abord ce qu’est la sécurité psychologique et pourquoi elle est si essentielle.

La sécurité psychologique en équipe, c’est quoi ?

La sécurité est un besoin humain fondamental. En 1943, Abraham Maslow explique que nos comportements sont motivés par la satisfaction progressive de nos besoins : d’abord se nourrir, ensuite se sentir en sécurité. Tant que ce besoin n’est pas rempli, il devient prioritaire.

La sécurité psychologique, c’est la perception qu’il est sûr (ou risqué) d’être soi-même au travail. Initialement centrée sur l’individu, la définition s’est étendue aux perceptions partagées par toute une équipe.

Amy C. Edmondson, spécialiste du leadership, définit la sécurité psychologique en équipe comme “la croyance partagée que l’équipe est un espace sûr pour prendre des risques interpersonnels”. En clair : tous les membres estiment pouvoir s’exprimer sans crainte d’être humiliés ou exclus.

De son côté, Timothy Clark décrit la sécurité psychologique comme un chemin en quatre étapes :

  • Se sentir inclus,

  • Se sentir libre d’apprendre,

  • Se sentir libre de contribuer,

  • Se sentir libre de remettre en question.

Et tout ça sans peur de subir des représailles sociales comme la gêne, l’irrespect ou la sanction.

Travailler dans un climat de confiance et de respect plutôt que dans la peur rend évidemment les collaborateurs plus heureux. Mais voyons plus en détail pourquoi la sécurité psychologique est vraiment un levier de performance pour les équipes.

Pourquoi la sécurité psychologique est essentielle

Une équipe, c’est trois personnes ou plus qui partagent un objectif commun, un leadership commun et des succès ou échecs communs.
La sécurité psychologique nourrit l’apprentissage, l’innovation, la productivité et bien d’autres résultats positifs. Voici trois bonnes raisons de la mettre en priorité.

1. Fidéliser les talents

Un environnement de travail respectueux et sûr, c’est un facteur majeur de rétention.

En France, 68 % des salariés estiment que le respect mutuel entre collègues et managers est déterminant pour leur satisfaction au travail. Pourtant, 62 % déclarent éprouver du stress ou des signes de burnout, et près d’un sur deux n’ose pas en informer son employeur. Autre donnée parlante : une culture toxique est 10 fois plus responsable du turnover que le niveau de salaire.

L’irrespect, le manque d’inclusion ou les comportements abusifs sont de puissants moteurs de départ. À l’inverse, un environnement psychologiquement sûr réduit significativement ces risques.

2. Booster la productivité

Pas de haute performance sans sécurité psychologique.

Lorsqu’ils se sentent en confiance, les collaborateurs peuvent se concentrer sur la résolution de problèmes, atteindre (voire dépasser) leurs objectifs, et partager librement questions, informations et idées dans un climat positif.

Edmondson rappelle aussi que la sécurité psychologique permet de surmonter des défis complexes, notamment pour les équipes virtuelles dispersées. Elle favorise une meilleure attitude face à l’échec (oser se tromper et en parler), stimule les échanges productifs et renforce la diversité, l’équité et l’inclusion.

3. Favoriser l’innovation

Difficile de mesurer ce qui n’est pas exprimé.
À chaque idée non partagée, c’est une opportunité d’innovation qui disparaît.

Quand l’équipe se sent libre d’oser des “et si ?” ou des “pourquoi pas ?”, les idées fusent et nourrissent la créativité.
Chez Google, la recherche sur la performance des équipes a révélé que la sécurité psychologique était “un élément critique” de leur réussite.
Les équipes les plus performantes avaient certes des objectifs clairs, mais surtout, elles se sentaient libres “d’être pleinement elles-mêmes au travail”.

Créer cet environnement, c’est d’abord une responsabilité de leadership.
Voyons comment faire.

4 leviers pour créer la sécurité psychologique dans son équipe

Pas de magie : pour ancrer la sécurité psychologique dans la culture d’une équipe, il faut la considérer comme une priorité stratégique.

Voici quatre pistes concrètes pour y parvenir.

Comprendre les personnalités

La personnalité est le moteur de nos comportements.
Connaître les forces naturelles, les risques potentiels et les motivations de chacun permet aux leaders (et aux membres de l’équipe) de mieux comprendre leur image perçue.

Cette conscience permet :

  • Aux managers d’adapter leur communication et de soutenir l’engagement,

  • Aux collaborateurs de mieux gérer leurs interactions.

Reconnaître la personnalité de chacun contribue à un climat de sécurité psychologique, en valorisant l’individualité et en encourageant l’authenticité.

Montrer l’exemple

Les leaders instaurent les normes.

Quand un manager montre de l’authenticité, de l’humilité et de la vulnérabilité, l’équipe se sent autorisée à faire de même.

Concrètement, il s’agit de :

  • Écouter activement,

  • Demander du feedback,

  • Assumer ses erreurs,

  • Dédramatiser l’échec,

  • Traiter chacun avec respect.

Un leadership inclusif est directement lié à de meilleures performances d’équipe.

Parler ouvertement des émotions et des difficultés, remplacer la recherche du coupable par la curiosité constructive, ou encore valoriser la prise de parole et les questions sont autant de gestes simples qui renforcent la sécurité psychologique.

Recruter et promouvoir le respect

La sécurité psychologique commence dès le recrutement.

Les comportements soutenants, consultatifs et relationnels sont des facteurs clés d’un bon climat d’équipe.
Des leaders capables de développer les talents, de tisser des liens et de valoriser la diversité sont souvent ceux qui savent créer un climat de sécurité.

Certaines tendances de personnalité (affiliation, sociabilité modérée, altruisme) favorisent d’ailleurs naturellement ces attitudes positives.

Les organisations ont tout intérêt à repérer et développer ces profils pour bâtir des équipes solides.

Mesurer régulièrement

Seulement 30 % des salariés américains estiment que leur opinion compte vraiment au travail. C’est peu.

Pour progresser, il faut donc :

  • Collecter des données (écoute active, check-ins, sondages),

  • Se fixer des objectifs clairs.

L’essentiel est de montrer une réelle volonté de comprendre et d’améliorer l’expérience vécue par les collaborateurs.

La sécurité psychologique dans les équipes à distance

Le besoin de sécurité psychologique ne disparaît pas quand l’équipe est hybride ou 100 % à distance.
Au contraire : sans la proximité physique, les managers doivent redoubler d’attention.

Tout repose sur la qualité de la communication :

  • Partager ses propres défis du travail à distance invite les autres à faire de même,

  • Bien utiliser les outils (réactions, sondages, salles de sous-groupes) pour donner à chacun la possibilité de s’exprimer.

Dans l’exemple de Tania, inviter ouvertement son équipe à partager feedbacks, idées et questions aurait permis non seulement d’améliorer son processus, mais aussi de renforcer la confiance collective.


En résumé

La sécurité psychologique n’est pas un “plus”, c’est un socle. Elle limite les risques (turnover, perte d’efficacité, perte d’innovation) et maximise l’engagement, la productivité et la créativité.
Quand les leaders incarnent cet état d’esprit, ils offrent à chacun la possibilité d’être pleinement lui-même au travail.

Références

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Ce texte est une traduction et adaptation de l’article original en anglais What Is Psychological Safety? publié sur le blog de Hogan Assessments. 

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