C’est une question que l’on se pose depuis des années. Et pourtant, malgré l’encre déjà versée sur le sujet, les réponses les plus répandues pointent encore trop souvent… les femmes elles-mêmes. Elles seraient « trop émotives », « pas assez stratégiques », « indécises », « trop concentrées sur leur famille », ou encore « incapables de gérer la pression ».

Ces stéréotypes, bien ancrés dans l’imaginaire collectif, laissent entendre que le principal frein à l’accès des femmes au leadership… c’est d’être une femme. Comme si les caractéristiques dites « féminines » étaient par nature incompatibles avec les responsabilités de direction. Et pourtant, nombre d’entre nous le savent : ce n’est pas la personnalité des femmes qui les freine, mais bien un système qui les observe à la loupe, les juge plus sévèrement, et valorise davantage des codes de leadership masculins.

On se souvient de cette phrase tirée du film Barbie (2023), qui résume parfaitement la pression paradoxale imposée aux femmes :

« Il faut être exceptionnelle, mais sans jamais faire d’erreur. Il faut diriger, mais rester douce. Il faut aimer être mère, mais ne pas en parler tout le temps. Il faut faire carrière, mais toujours penser aux autres. »

Les femmes se voient affublées d’une longue liste d’adjectifs dévalorisants : autoritaire, hésitante, dispersée, trop douce… Et dans le monde du travail, elles reçoivent aussi moins de retours concrets que leurs homologues masculins, ce qui complique encore leur progression.

Alors, si les critères d’évaluation du leadership étaient biaisés ? Si les freins au leadership féminin n’étaient pas liés à la compétence, mais à des mécanismes plus profonds ?

Ce que dit la recherche

L’équipe Data Science de Hogan Assessments a récemment analysé trois grandes bases de données, comprenant plus de 25 000 cadres dirigeants dans le monde, en croisant scores de personnalité, évaluations de performance et compétences clés. Objectif :

  1. Comprendre s’il existe réellement des différences de personnalité entre les hommes et les femmes ;
  2. Identifier si certaines de ces différences influencent leur performance en leadership.

Et voici ce qu’ils ont découvert…


 

Idée reçue n°1 : Les femmes seraient moins ambitieuses que les hommes

L’un des stéréotypes les plus répandus : les femmes manqueraient d’ambition ou privilégieraient leur vie personnelle au détriment de leur carrière. Pourtant, l’ambition ne se limite pas à la compétitivité ou à l’agressivité : elle peut se traduire par l’investissement, la volonté d’influencer positivement son environnement, ou la persévérance dans la progression.

L’étude s’est appuyée sur l’échelle Ambition de l’Hogan Personality Inventory (HPI). Résultat ? Aucun écart significatif entre les hommes et les femmes cadres. Et les scores d’ambition sont tout autant corrélés à la performance, quel que soit le genre.


 

Idée reçue n°2 : Les femmes seraient plus indécises et plus prudentes

Prendre des décisions éclairées, ce n’est pas foncer tête baissée — c’est justement savoir évaluer les risques avec discernement. Pourtant, les femmes sont souvent perçues comme trop prudentes, voire hésitantes.

Ces traits ont été mesurés via les échelles Précautionneux (prudence excessive, peur de l’échec) et Dévoué (volonté excessive de plaire) de l’Hogan Development Survey (HDS). Verdict : aucune différence notable entre les scores masculins et féminins. Les femmes ne sont ni plus indécises, ni plus réticentes au risque.


 

Idée reçue n°3 : Les femmes géreraient moins bien le stress

Autre mythe tenace : les femmes seraient moins résistantes face au stress des postes à haute responsabilité.

Pour objectiver cela, nous avons croisé plusieurs indicateurs :

  • le score Ajustement du HPI (résilience face à la pression),
  • le score Versatile du HDS (volatilité émotionnelle),
  • la compétence Handling Stress du Hogan Competency Model (HCM).

Les résultats ? Hommes et femmes montrent des niveaux similaires de tolérance au stress. Encore une idée reçue qui ne tient pas face aux données.


 

Idée reçue n°4 : Les femmes manqueraient de vision stratégique

On entend souvent que les femmes sont plus « opérationnelles » que stratégiques, plus aptes à exécuter qu’à définir une direction. Là encore, les équipes de Hogan ont voulu vérifier.

Ont été analysés le score Curiosité du HPI, ainsi que les compétences Driving Strategy et Strategic Dimension du HCM. Résultat : les femmes démontrent les mêmes capacités stratégiques que les hommes.


 

Idée reçue n°5 : Les femmes seraient moins innovantes

L’innovation est fréquemment perçue comme un terrain naturellement masculin, fait de disruption et de prise de risques. Or, l’innovation peut aussi se traduire par des améliorations progressives, une capacité à faire évoluer les pratiques sur le long terme.

En combinant les scores Curiosité du HPI et la compétence Driving Innovation, l’étude montre encore une fois : pas de différence de potentiel innovant entre les femmes et les hommes.


 

Ce que cela change : penser le leadership autrement

Les résultats de cette recherche sont clairs : les traits de personnalité n’expliquent pas les écarts de représentation dans les postes de direction. Il est donc temps de déplacer le regard.

🔸 Remettons en question notre vision du leadership : souvent, ce sont les profils les plus visibles, les plus assertifs, les plus politiques qui émergent. Mais cela ne garantit en rien l’efficacité managériale. Ce qui fait un bon leader, c’est la disposition à fédérer, à créer des équipes performantes, à atteindre les objectifs ensemble. Et sur ce terrain, les femmes sont tout aussi compétentes que les hommes.

🔸 Brisons les stéréotypes : plus on répète qu’un genre est « moins apte », plus le risque est grand d’en faire une prophétie autoréalisatrice. Des études récentes montrent même que les femmes surperforment souvent sur des critères comme la stabilité émotionnelle – à rebours des préjugés. Peut-être est-ce justement parce qu’elles sont soumises à un niveau d’exigence plus élevé que certaines qualités se développent plus fortement.

🔸 Concentrons-nous sur les vrais freins : sexisme systémique, manque de modèles, double standards, biais dans les processus de promotion, charge mentale, ou encore intersectionnalité des discriminations… Les obstacles sont bien réels, mais ils ne se trouvent pas dans la personnalité des femmes.


 

En résumé : et si on regardait enfin au bon endroit ?

Les femmes ne manquent ni d’ambition, ni de vision, ni de résilience. Ce qu’elles rencontrent, ce sont des normes culturelles et des structures organisationnelles qui continuent à reproduire les inégalités.

Alors, au lieu de continuer à chercher « ce qui ne va pas chez les femmes », il est temps de réinterroger les critères de sélection, les pratiques managériales, et les systèmes d’évaluation. Et surtout, de s’appuyer sur les données, pas sur les clichés.

Références

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  2. Gerwig, G. (Director). (2023). Barbie [Film]. Warner Bros. Pictures; Heyday Films; LuckyChap Entertainment; NB/GG Pictures; Mattel Films.
  3. Smith, D. G., Rosenstein, J. E., & Nikolov, M. C. (2018, May 25). The Different Words We Use to Describe Male and Female Leaders. Harvard Business Reviewhttps://hbr.org/2018/05/the-different-words-we-use-to-describe-male-and-female-leaders
  4. Correll, S. J., & Simard, C. (2016,  April 26). Research: Vague Feedback Is Holding Women Back. Harvard Business Reviewhttps://hbr.org/2016/04/research-vague-feedback-is-holding-women-back
  5. Leadership Emergence vs. Leadership Effectiveness. (2023). Hogan Assessmentshttps://www.hoganassessments.com/blog/leadership-emergence-vs-leadership-effectiveness
  6. Cvencek, D., Meltzoff, A. N., & Greenwald, A. G. (2011). Math–Gender Stereotypes in Elementary School Children. Child Development, 82(3), 766–779. https://ilabs.uw.edu/sites/default/files/11Cevencek_Meltzoff_Greenwald_Math-gender_stereotypes_ChildDev.pdf
  7. Allen, S. (2012, July 27). Is ‘Stereotype Threat’ Driving Women Away from Science? American Association for the Advancement of Sciencehttps://www.aaas.org/taxonomy/term/11/stereotype-threat-driving-women-away-science
  8. Hideg, I., Hentschel, T., & Shen, W. (2024, September). Research: How Anxiety Shapes Men’s and Women’s Leadership Differently. Harvard Business Reviewhttps://hbr.org/2024/09/research-how-anxiety-shapes-mens-and-womens-leadership-differently
  9. Brescoll, V. L. (2016). Leading with Their Hearts? How Gender Stereotypes of Emotion Lead to Biased Evaluations of Female Leaders. The Leadership Quarterly, 27(3), 415–428. https://doi.org/10.1016/j.leaqua.2016.02.005

Ce texte est une traduction et adaptation de l’article original en anglais Why Aren’t There More Women in Leadership Roles? publié sur le blog de Hogan Assessments. 

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